Notre époque valorise la stimulation cognitive, physique et sociale de l’enfant. Le temps des loisirs est occupé par le sport, les jeux, la musique, etc… qui certes divertissent mais aussi doivent faire progresser. Dans ce tableau, l’ennui est vécu comme une perte de temps, il est suspect car non rentable.
Il est dérangeant, pour nous parents, de constater que nos enfants s’ennuient. Des pensées négatives peuvent nous venir à l’esprit telle que la culpabilité («je ne m’occupe pas assez d’eux… »), des émotions désagréables comme la tristesse, l’angoisse ou la peur du vide ….
Pourtant, sans nier l’effet négatif d’un ennui important, plusieurs études viennent apporter un éclairage complémentaire et montrent que l’ennui est non seulement inévitable, mais encore bénéfique.
L’explosion des données dues aux recherches en neurosciences, a montré que le cerveau reste actif, même lorsque nous nous reposons, que nous rêvons ou nous ennuyons. Marcus Raichle (2001), neurologue américain réputé, soutient, neuro-imagerie à l’appui, qu’un cerveau qui n’est engagé dans aucune tâche, reste malgré tout actif grâce à un réseau de fonctionnement par défaut (« default mode network »). Or, le fonctionnement de ce réseau a pour effet de développer la créativité et la résolution de problème grâce à des stimulations mentales basées sur des expériences personnelles, notamment des souvenirs (Buckner, 2008). Sandy Mann (2014), professeur de psychologie à l’Université de Central Lancashire et Rebekah Cadman, psychothérapeute, ont montré que l’ennui favorisait la pensée divergente, c’est-à-dire la capacité à générer une multiplicité de solutions à un même problème.
En outre, les temps libres poussent l’enfant à l’observation, à la manipulation. Il constate qu'il est capable d'agir seul. Cette autonomie va lui apporter du plaisir et lui permettre de gagner en estime de soi. On retrouve ici un des concepts importants de la pédagogie Montessori, à savoir que l’enfant progresse aussi par l’expérience.
Si l’ennui conduit l’enfant à puiser dans ses ressources internes, il lui apprend aussi à vivre la frustration, ce qui est source de déplaisir. L’environnement, ses parents, ne peuvent pas toujours tout pour lui. Il doit aussi chercher par lui-même, trouver sa place, faire des choix et ainsi se forger une personnalité.
L'ennui chez l'enfant est fréquemment interprété par ses parents comme un signe de haut potentiel intellectuel. Pour peu que cet ennui se manifeste aussi en classe, le passage anticipé en classe supérieure est alors évoqué. Il est incontestable que l'ennui est souvent présent chez les individus présentant cette caractéristique. Cependant, il ne constitue qu'un indice parmi une multiplicité de critères permettant de souligner la présence d'un haut potentiel. L’ennui peut en être un, mais il ne suffit pas.
A l’instar d’autres émotions comportant une valence négative, l'ennui est une émotion déplaisante qui a par ailleurs une fonction adaptative. Elle va donner une impulsion, ouvrir la voie vers quelque chose susceptible de donner du sens et davantage de relief à la vie. Afin d'activer cette fonction, il convient d'accompagner l’enfant dans sa recherche d'une stratégie adaptée. Il s’agit de l’aider à verbaliser ce qu’il ressent, ce dont il a envie, de l’encourager à s'occuper seul puis de le féliciter lorsqu'il y parvient.
Bibliographie:
Buckner R., Andrews-Hanna JR., Schacter D., (2008). The brain's default network: anatomy, function, and relevance to disease. Annals of the N Y Academy of Science, 1124(1)1‐38. doi:10.1196/annals.1440.011
Mann, S., Cadman, R. (2014) Does being bored make us more creative? Creativity Research Journal, 26 (2). pp. 165173. ISSN 10400419 .
Raichle M., (2001).A default mode of brain function. PNAS 2001; 98: 676-682.
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